Nous sommes venus aussi en Haïti pour rencontrer une collégienne, correspondante des lycéens de Saint-Vincent de Paul à Algrange. Nous la retrouverons à l'école mixte Saint-Alphonse.
Ce que nous ignorions, c'est qu'elle se trouve à la Cité Soleil, l'un des quartiers les plus dangereux de Port-au-Prince. Nous nous sommes organisés, Georges Toussaint, le directeur, nous accompagnera dans le 4X4 de Dieu...nous sommes donc protégés. Le temps de descendre de Meyotte et de passer les bouchons, de récupérer le directeur et nous entrons dans la Cité Soleil qui paraît bien tranquille. Nous passons un petit groupe que Georges salue, c'est l'un des gangs de la cité.
Puis nous longeons le pick-up du chef de gang du quartier avant d'entrer dans l'école où nous sommes en sécurité.
La cité nous donne une image de propreté, par rapport à d'autres secteurs de l'agglomération de Port-au-Prince. Les maisons sont en brique mais celles en taule ne sont pas bien loin. Nous arrivons en peine récréation.
Surprise, les élèves portent un uniforme, comme partout en Haïti, mais un uniforme mauve...grenat pour le pantalon au pli parfait, chemise blanche et cravate pour les garçons, jupe écossaise pour les filles. L'accueil est chaleureux.
Georges, le directeur est un enfant de la cité qui après en être parti avec ses parents est revenu pour y travailler. Le ticket de sortie du bidonville pour tous ces jeunes, c'est l'éducation.
L'association SOS enfants finance, avec d'autres partenaires, la reconstruction de Saint-Joseph qui s'est effondrée lors du tremblement de terre et organise le parrainage des élèves par des établissements scolaires, familles ou individuels français.
Une partie des bâtiments sont tout neufs. Après avoir fait le tour des classes, nous retrouvons Darline qui correspond avec le lycée mosellan. A Algrange on nous a dit qu'elle avait 13 ou 14 ans, le directeur pense qu'elle en a 16, Darline nous annonce qu'elle vient d'avoir 18 ans. Elle est en 9ème (4ème chez nous). Elle n'a pas été scolarisée pendant plusieurs années et rattrape son retard. Motivée, elle souhaite devenir infirmière.
Nous passerons 3 heures dans l'établissement. Ils nous chantent la bataille de Reichshoffen version haïtienne, commémorant celle de Vertières, du 18 novembre 1803 lorsque les troupes napoléoniennes ont été battues. Georges est presque gêné de nous le rappeler. Nous lui précisons que nous n'en prenons pas ombrage et que cette défaite est totalement oubliée en France. Il est temps de quitter la Cité Soleil, une ville dans la ville. Impossible de connaître le nombre de ses habitants qui se chiffre en centaines de milliers.

Totalement abandonnée par le régime, elle vit grâce à l'aide internationale. Il faut ajouter que ses habitants sont parfois « engagés » et rémunérés par certains partis politiques pour semer le trouble en ville. Escortés par le censeur de l'école qui est assis à la droite de Dieu, nous quittons la cité pour revenir vers le Champ de Mars, où en face de la défunte ambassade de France, à terre depuis le tremblement de terre, on vient manger le poulet grillé, à déguster dans la rue et réputé comme le meilleur de Port-au-Prince. Nous pensions voir le drapeau français en berne durant ces journées de deuil national mais comme la nouvelle ambassade n'est pas encore reconstruite, il n'y a pas de toit visible depuis la route.
Nous poursuivons avec la visite de l'incontournable Musée du Panthéon National Haïtien, le Mupanah avec les bustes des fondateurs de la république et plusieurs siècles d'histoire évoqués dans une demi-douzaine de salles.
Nous sommes impressionnés par l'ancre originale de la Santa Maria de Christophe Colomb qui s'est échoué sur les côtes haïtiennes. Après le tour officiel avec Christophe le guide, nous continuons à enregistrer avec Maritou, archiviste octogénaire du musée qui a connu personnellement une bonne partie des présidents des dernières décennies dont Papy et Baby Doc ainsi que le terrible père Aristide qui instrumentalise selon elle, plusieurs candidats aux présidentielles.
C'est le dernier dîner dans notre maison Soleil avec un excellent maïs haricots collés préparé par Rosematte, accompagné d'un merlot chilien que nous avons acheté dans notre supermarché préféré pour fêter notre départ.
Demain matin, départ pour le sud. Jacmel où nous passerons les dernières journées en bord de mer des Antilles.